La fracture émotionnelle
De plus en plus de personnes me contactent car elles ont pris peur de leur cheval. Elles sont souvent cavalières depuis de nombreuses années, voir même depuis leur enfance, et « soudainement » arrive un cheval avec lequel rien ne va plus. Ce qui « fonctionnait » jusqu’alors ne fonctionne plus !!
Le malaise grandit, la peur s’installe, le cheval se montre vif, imprévisible, différent, autre… et la confiance qui semblait exister au début de la relation se perd, s’effrite, s’amenuise. Le désaccord est évident avec malheureusement parfois un accident, une chute ou un traumatisme à la clef !
Il est alors souvent question de se séparer du cheval, de le revendre ou même de le donner.
Mais va-t-on se séparer d’un cheval qui a le courage de nous montrer ce que nous avons refoulé ?
Car c’est ici, maintenant et avec lui que le véritable travail commence.
Notre cheval est notre guide ; sa seule manière à lui d’exprimer ce qui ne va plus en nous est de réagir face à nos déséquilibres et parfois -oui- de manière brutale, aussi brutale ou violente que nous nous obstinons à ne pas voir, sentir, comprendre.
Le cheval est intrinsèquement en lien avec ses instincts, avec tout ce qui menace son équilibre et le nôtre. Sa vie à nos côtés depuis des millénaires en fait le meilleur agent de protection. Il n’y a pas meilleur coach que lui ! Animal doté d’une hyper sensibilité, il capte et ressent le moindre déséquilibre humain, la moindre appréhension inconsciente, la moindre préoccupation, frustration, gêne, douleur, blessure, embarras, distraction, … que nous pouvons avoir. Il sait, capte, sent, voit, ressent… l’émotionnel humain blessé qui appelle au secours à travers notre corps maladroit et désarticulé. Or, nous le savons bien, notre corps nous dévoile. Corps et chevaux ont la même sagesse, le même objectif ; celui de préserver un niveau minimum d’équilibre et de stabilité.
Alors la peur qui crie à travers nos gestes et attitudes corporelles c’est tout simplement notre instinct de (sur-)vie qui nous envoie son signal d’alarme. C’est notre voix intérieure qui s’agite et s’exclame « STOP, ceci n’est plus la bonne route, tu te trompes de chemin… écoute ton malaise, d’où vient-il ? quelle est sa racine ? au fond de toi, tu le sais, ton cheval, à sa manière, aussi ».
Si nous désirons établir à long terme une relation authentique, saine, de confiance véritable avec notre cheval, nous sommes tôt ou tard acculés à regarder ce que nous avons refoulé, mis de côté ou sous-estimé… Tous ces aspects personnels de notre vie quotidienne, même s’ils ne sont pas directement en lien avec notre cheval, ont un impact sur lui car ce dernier les ressent, les absorbe et selon les cas, en souffre.
La véritable écologie de la relation humaine/équine est celle qui prend en compte la dimension émotionnelle pour la reconnaître, l'éclairer et la transformer.
Anne Thiebauld, Décembre 2015
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Sylvie Prévost (mardi, 22 décembre 2015 15:25)
Ce que vous écrivez résonne en moi. Je le ressens chaque jour avec ma jument, mon vrai Coach. Trop raisonner ne mène à rien! Elle est exigeante. Si elle ne comprend pas, elle ne fait rien ou mieux, invente, initie. C'est touchant! Si j'ai peur, elle a plus peur que moi! C'est l'escalade qui nous mène à la cascade et là, tout en bas, on remonte à chaque fois mais le mieux est de rester les pieds sur terre peut-être....La tête dans les étoiles. Je suis déjà bien guidée dans mon travail avec elle, mais votre approche m'intéresse, me parle.
Peut-être pourrions-nous nous rencontrer un jour.....
Bien à vous,
Sylvie Prévost
Nadine Colet (mercredi, 23 décembre 2015 09:04)
Quel magnifique texte, Anne : empreint de sagesse et de respeçt pour la dimension émotionnelle humaine et équine. Ensemble, sur le chemin...
Adrienne (mercredi, 23 décembre 2015 16:16)
Chère Anne, message très très profond et révélateur. Comme nous le sommes, et comme le sont émotionnellement nos chevaux. La peur - pour moi - est aussi signe que nous avons atteint une limite de nous-mêmes que nous sommes amenés à dépasser. Nos chevaux sont là pour le démontrer, nous y amener nous le permettre. Et si nous écoutions ces peurs et avions la patience de comprendre le message derrière - comme tu le dis justement-. Comprendre cette limite souvent auto-imposée, ce 'je ne sais pas' 'je ne peux pas ' ce 'j'ai peur de ne pas y arriver". Nos chevaux eux aussi, sont souvent imprégnés de cette peur, "que veux-t-elle", "comment dois-je faire". Eux aussi ils cherchent la réponse juste pour (re)trouver cette espace de confort et de sécurité. Et quelle aventure et quelle révélation que de se permettre d'arriver à dépasser cette peur, d'y arriver ensemble, de recréer ou élargir cette zone ou nous nous sentons dans un espace commun de confort et de sécurité.... est-ce peut-être aussi une des finalités cachées de nos relations avec nos chevaux, avec le monde qui nous entoure, mais aussi peut-etre et tout simplement avec nous même. Et si l'une pouvait amener l'autre? Et Une année profonde et révélatrice à nous Tous :)